Exposition collective « L’HUILE SUR LE FEU »
Mercredi 16 novembre 2022, les gros titres annoncent ; l’explosion d’un missile en Pologne fait craindre l’escalade vers une guerre mondiale, le chiffre vertigineux du passage à 8 milliards d’être humains sur Terre, et Donald Trump pour candidat aux prochaines élections américaines. Chaque actualité est chassée par une autre et la nouvelle, en quelques heures, tombe dans l’archive. Dans les mémoires vives, la surprise cède à la panique, et, en quelques jours, l’émotion se fond dans l’oubli. Il est éminemment plus confortable de se terrer dans la nostalgie, de fuir ou de nier quand “la Terre s’est déjà retournée sur elle-même” écrit Bruno Latour.
À moins que quelqu’un·e ne jette l’huile sur le feu.
En traduisant l’actualité dans leurs peintures, Raphaëlle Bertran, Pascale Consigny, Joël Degbo, Bilal Hamdad, Shuo Hao, Eva Nielsen et Eliot Shahmiri ravivent les cendres de conflits latents, exposent les victimes de stratégies politiques, enregistrent de nouveaux points de vue sur des événements dissous depuis longtemps. Une nuit précède les émeutes de Clichy-sous-Bois, une vague attend l’arrivée de centaines de migrant·es, une fuite de gaz toxique se répand sous la Baltique, un déchaînement des éléments convoque l’apocalypse. À contre-courant de l’immédiateté des informations, la technique de la peinture à l’huile impose, par son temps de séchage, un exercice de patience. Une patience qui se niche ici dans une volonté d’urgence : celle de porter secours. À la nature, aux invisibles, et à notre imaginaire.
Anne Bourrassé
• VERNISSAGE •
Jeudi 24 novembre 2022 , 18h – 22h
• EXPOSITION •
25 novembre au 17 décembre
À PROPOS DES ARTISTES
Raphaëlle Bertran (née en 1992, Drancy) déploie principalement sa technique sur de grands formats. Ses compositions apparaissent comme un condensé d’histoire humaine, un univers où absurde, terreur et force de vie se conjuguent comme un reflet très actuel du monde, une actualité restituée à partir de la matière du passé. Elle est résidente au Consulat Voltaire.
Pascale Consigny (née en 1973, Paris) développe une pratique picturale qui trouve sa source dans une forme documentaire. Elle réagit notamment aux évènements politiques auxquels elle a été confrontée personnellement, comme celui de l’affluence des migrants vers Calais, ou plus récemment la situation des réfugiés palestiniens en Jordanie, en peignant des tableaux en série. Ces tableaux rapportent une expérience vécue. Ils répondent à ce qui est pour elle le devoir de l’artiste : celui de la mémoire et de la transmission.
Joël Degbo (né en 1989, Paris) montre dans ses peintures un état, où se mêlent le passé, le présent et le futur : on voit l’abandon, la décomposition d’une carcasse sur le bord d’une route, les végétaux pousser. Les images de ces sujets apparemment insignifiants questionnent notre définition du patrimoine. Sa peinture parle de nostalgie où la lumière permet de renouveler notre regard, elle est comme un point de vue ou un parti pris. Ici pas d’humains mais uniquement la trace de leurs passages.
Bilal Hamdad (né en 1987, Sidi Bel Abbès, Algérie) explore en peinture le passage entre le secret, l’intime, l’invisible et la divulgation, le partage, le public. Scènes de genre ou portraits, actifs ou latents, une certaine dualité émane de ses tableaux, comme un état transitionnel qui empêche toute définition figée. Et c’est dans ces « manifestations discrètes de surface », entre exhibition et banalité, que réside le vrai témoignage social d’un temps.
Shuo Hao (née en 1992, Boading, Chine) travaille principalement au pastel sur papier et à la peinture à l’huile sur bois ou toile. Elle s’intéresse à l’existence du corps humain et animal, entre la réalité et l’inconnu. La peinture de Shuo Hao a la qualité de ses pastels, vaporeuse comme un rêve. Les formes, tout en étant parfaitement modelées par la lumière, y semblent flottantes, les contours flous. Elle est résidente au Consulat Voltaire.
Eva Nielsen (née en 1983, Lilas) est constamment à la lisière de quelque chose. D’un horizon à l’autre, du format au sujet, le paysage prédomine dans ses peintures et ses dessins. Face à ces espaces abandonnés, à un paysage enneigé, à une zone périurbaine désertée ou à des jeux d’enfants, Eva Nielsen scrute ces espaces-temps transitoires à la mémoire difficilement saisissable qui font désormais partie de nos vies quotidiennes.
Eliot Shahmiri (né en 1986, Téhéran, Iran) articule sa peinture autour d’événements liés à l’actualité climatique, et notamment ses représentations dans la presse. Ces différents points de départ, qu’il va ensuite citer, faire varier, reprendre, à répétition constituent pour lui une source d’iconographie dense, qu’il croise ensuite avec des codes liés aux peintres du romantisme européen mais aussi à des écoles plus récentes (les surréalistes) ou contemporaines.