Côme Di Meglio : l’hypnose pour épaissir le temps
Jusqu’à fin juillet, l’artiste Côme Di Meglio a organisé des repas sous hypnose au Consulat. L’expérience tient de la « spiritualité épicurienne », selon les mots de ce jeune homme de 29 ans. Elle invite à être attentif à ses sensations, à se relier en profondeur à ce que l’on mange et aux autres. Rencontre, façon pêle-mêle.
Entretien perché
Le temps de l’interview, Côme propose de vous emmener au sommet du Consulat. On grimpe, à la suite de l’artiste, les barreaux d’une échelle. On déboule dans les herbes sauvages d’un toit plat. Perché là, on admire la palette de gris des buildings tout proches et les rayons du soir qui caressent Paris et le dôme du Panthéon.
Quand il mange un gâteau au chocolat…
Flash back, juste avant cette interview sur le toit. Un délicieux gâteau au chocolat — génoise à la noisette, mousse onctueuse et intense — circule dans la maison, pour célébrer un anniversaire. Côme participe à la fête et déguste lentement, en ouvrant grands ses yeux verts, comme étonné à chaque bouchée. On veut savoir ce qu’il a ressenti. « Comme une brise qui était paradoxalement épaisse et fraiche », raconte-t-il. « Peut-être du sable mouillé pour la texture de la pâte… Du sable de basse marée, mais ça ne sentait pas la mer. »
Des études, avec une appétence pour la technique
Il commence par Khâgne et Hypokhâgne, agrémentées des sciences sociales et des mathématiques. « C’était vachement bien », commente-t-il. Mais les Arts Déco l’appellent ensuite. « J’ai beaucoup aimé le fait que ce soit une école pluridisciplinaire, pas seulement les beaux arts, dit-il, parce que j’avais vraiment de l’appétence pour la technique. »
La chambre où tout a commencé
C’est celle de son adolescence. « J’ai voulu créer la chambre idéale. J’avais 14 ans. J’ai fait une grande chrysalide avec des rubans partout qui partaient du lit. Ça donnait quelque chose hors du quotidien, proche de mes rêves. En sortant des Arts Déco en 2014, j’étais de nouveau attiré par l’idée d’imaginer des environnements plutôt que des sculptures. Je voulais concevoir des univers où les gens se sentent bien et où je me sentais bien pour les accueillir, partager mon regard, une expérience sensorielle. »
Une conscience magique de l’alimentation
La pratique intensive du sport le conduit à considérer son alimentation sous un autre angle. « Tu te rends compte que la nourriture peut t’aider à accomplir des choses », se souvient-il. « De manière plus métaphorique et plus large, la question devient : comment l’énergie que j’absorbe peut me permettre de contribuer au monde ? Le regard sur la nourriture devient alors poétique. J’ai commencé à avoir une conscience presque magique de ce que les aliments pouvaient m’apporter, à voir cet entrelacement entre la matière et mon esprit. »
L’hypnose pour épaissir le temps
« Si je voulais partager cette beauté que je trouvais dans la nourriture, il fallait créer une sorte de sas », développe le gourmet. « Et j’ai trouvé ça dans l’hypnose. Il faut un petit moment de voyage intérieur pour passer dans un mode poétique, onirique, imaginaire. On peut manger un fruit, simplement pour se remplir et se rendre compte que c’est sucré. On peut aussi faire silence à l’intérieur de soi et accueillir toutes ses sensations. Ça s’apparente à de la méditation, mais j’appelle ça de l’hypnose parce qu’on convoque des symboles et des images pour atteindre un autre état. Mais il n’y a pas de moment de perte de conscience, c’est plutôt une conscience et une présence accrues. Il y a tellement d’informations qui peuvent passer dans la moindre sensation, quand tu zoomes dedans, ça peut devenir une éternité ou une symphonie, il faut juste épaissir le temps. »
Les repas de Côme sont aussi une expérience de vie en commun. Il y diffuse un « sentiment de fraternité ». « Cette table, c’est un peu comme la métaphore de la société », précise l’hôte. « C’est un moment de proximité avec des inconnus. J’espère que ça peut être conservé au-delà, comme une façon de désamorcer l’hostilité qu’on cultive trop souvent dans les villes. On se livre autant qu’on en a envie. Ça peut être des choses très légères. Evoquer un paysage, c’est déjà parler de soi mais sans pour autant dire des choses gênantes ou intimes. »
Au fait, c’est quoi, la spiritualité épicurienne ?
« C’est quelque chose d’ancré dans la chair, avec toujours cet équilibre entre le matériel et l’immatériel, entre le spirituel et la matière. Comme ce que je voulais faire avec les sculptures. On part d’un objet. On cherche le chemin pour qu’il te parle de l’intimité de la matière et un peu du mystère de l’univers. C’est l’idée qu’éprouver de la beauté est indissociable des sens par lesquels ce sentiment jaillit. S’émerveiller c’est rendre grâce d’avoir un corps et des canaux sensoriels qui nous permettent de vivre cette sensation, cette émotion. C’est jouir de l’entrelacement entre la chose qui est regardée ou ressentie et les sens qui la contemplent. »
Et qu’est-ce qu’on mange ?
« C’est une cuisine foisonnante, un peu comme un paysage qu’on peut explorer », souffle le cuisinier, énigmatique. Il tient à ce que la surprise reste intacte. Le seul détail concret que vous devez connaître, en attendant de tenter l’expérience, est que ce repas sous hypnose est végétarien. « L’idée est de se relier à ce qu’on mange et être relié à la souffrance animale, ce serait contradictoire », explique-t-il.
Oui, c’est de l’art !
Est-ce une performance artistique ? Côme préfère simplement dire que c’est un repas. Il n’a pas envie de se mettre sur un piédestal. « Mais on peut dire que c’est un moment d’art », concède-t-il, « dans la mesure où le but est d’enchanter des petites choses, très simples, de leur donner de la profondeur, de les rendre miraculeuses. »
Cliquez sur les liens pour en apprendre plus sur le site de Côme Di Meglio, ou sur les horaires et tarifs de ses prochains dîners sous hypnose qui auront lieu jusque fin septembre à l’Hôtel de Gallifet à Aix-en-Provence.