Mais qui est Flora Citroën ?
Rencontre avec Flora lors de la Matinale du Consulat :
Les photos de Flora #auconsulat :
Flora Citroën est née à Paris, en 1990. « Everything I am », le titre de sa première exposition personnelle, que le Consulat est heureux d’abriter, fait référence aux paroles de Kanye West « Everything I’m not made me everything I am ».
L’installation — une grotte de sequins multicolore, un narguilé en céramique (fumable), une collection de bananes, un rideau, et une vidéo de 11 minutes — explore la lourdeur du concept d’« identité » omniprésent dans l’industrie culturelle.
Jusqu’où a-t-on le droit d’être ou de ne pas être ? Selon quels critères socio-culturels un individu existe ou n’existe pas ? Citroën donne son point de vue de femme, d’artiste.
La pièce est chaleureuse. On pourrait s’y prélasser des heures, comme dans un décor de chicha lounge — ici largement remanié — approprié à l’échange, à la discussion. L’artiste nous invite chez elle, elle parle depuis son lit. Elle s’expose sous la forme d’une vidéo-confession, cependant dénuée de narcissisme.
La vidéo, essentielle dans le dispositif, évoque la crise identitaire à l’échelle autant sociétale qu’individuelle.
Comment l’artiste peut il se défendre contre les multiples injonctions qui mènent à l’auto-censure?
Comment se dépêtrer de l’étiquette d’autorité sociale dont l’artiste bénéficie et comment déconstruire le pouvoir qu’on lui confère ?
Citroën répond par l’idée qu’il faut expérimenter, comme pendant l’adolescence. Elle établit ainsi un lien entre la crise identitaire et la crise d’adolescence.
Citroën utilise la naïveté (honnêteté) comme une arme. En se mettant en scène
Ici, la naïveté est utilisée comme une arme. En montant sur scène, en débitant en boucle ses pensées ramifiées — cependant bien construites — directement de son esprit. Le son de sa voix est bas. Elle nous convoque plus qu’elle ne nous appelle, avec des phrases comme « l’appropriation culturelle c’est une peu le point Godwin de la culture », ou « Je crée des surprises pour moi-même… pour plus tard, comme un chien qui cache ses friandises… », ou enfin « tropisme, c’est un mot juste, c’est une réaction ; ici, je suis une réaction ».
Citroën ne joue par la jolie Instagrameuse (bien qu’elle utilise ce format), elle s’expose sans chichis, en opposition à la culture de la beauté à laquelle les femmes sont confrontées. Elle atteint un ton de légèreté qui neutralise cela et transforme l’installation en une déclaration courageuse.
On entend plus loin les murmures d’une conversation de spectateurs rassemblés autour du narguilé en activité, une situation gadget qui tranche avec l’intimité de la vidéo. Un fossé duquel émane une minutieuse violence.
En s’autorisant à explorer publiquement son identité et sa démarche, Citroën dissèque les attributs avec lesquels un jeune artiste doit travailler. Tous les rôles qu’il doit endosser, cette loi du « agis ou meurs ». Le « agis » inclut ici, au-delà du travail artistique lui-même, l’autopromotion, le travail de curation, les démarches commerciales, celles pour se mettre en avant.
« Everything I am » est un signe chaleureux et désillusionné emballé dans beaucoup d’espoir.
The english version of Flora Citrôën
For her first solo show, Flora Citroën (b. Paris, 1990) refers to Kanye West’s lyrics Everything I’m not made me everything I am.
The installation -a glittery cave, a smokable ceramic hookah, a collection of handmade fanny packs, a curtain, and an 11 minutes video- explores the awkwardness of the idea of identity we are surrounded by in the cultural industry, as an artist, as a woman.
What is the limit of one can or cannot be? What are the socio-cultural criteria a self is or is not?
The room is welcoming, we feel like in a cocoon, in a poetized hookah lounge set up for discussion.
Citroën invites in her place, talking from her bed, exposing herself by using a confessional form of video, fortunately devoided of any kind of narcissism.
The video, essential in the installation, approaches the identity crisis both in a societal and individual scale.
How can artist respond to the many injunctions leading to self-censorship?
How to deal with the authoritarian social label the artist is given and how to deconstruct the power conferred to the artist?
She answers with the idea of testing, an adolescent pattern, establishing a link between the identity and adolescent crisis.
Citroën uses naivety (honesty) as a weapon. Putting her on stage, blathering a loop of ramified thoughts- nonetheless well constructed- directly from her mind. The sound is not loud, she convenes rather than summons the viewer, going from « (…) cultural appropriation is like the Godwin point of culture » through « I create surprises for me… for later, like a dog hiding its candy » to « tropism is an accurate word, its a reaction; here, I’m a reaction ».
While watching the video, the viewer can hear behind their back some whispered small talk around the smoking hookah, a gadget-situation opposed to the raw intimacy of the video. A soft violence emanates from this gap.
Citroën does not stage herself as a pretty made up Instagrammer (even though the story format is used), she creates a self exposure without any windrow dressing, as opposed to the culture of beauty women are notwithstanding confronted to. She achieves a disabling lightness tone making the installation a brave committed statement.
Allowing herself to disclose her identity, Citroën actually dissects the polyvalent attributes young artists have to work with. Those many roles they have to embrace, the « do or die » lex. The « do » includes here besides the work itself, self promotion, address, curatorial dimension, commercial one and a stepping up of the artist for their work.
Everything I am is a warm disillusioned acknowledgment packed in a lot of hope.